par Eric VALIN
A l’annonce de la liste des ministres du nouveau gouvernement, les médias, dans le cadre de la nullité dont ils sont parfaitement capables, d’une part encensent l’aspect politicien du remaniement, genre ancien monde où le Président Emmanuel Macron parodiant une formule de Nicolas Sarkozy pourrait dire « Je suis devenu le DRH du parti LR » et, d’autre part, l’en-saucent d’un verbiage dont la répétition tourne à la logorrhée.
Les féministes ciblant Messieurs Dupont-Morety et Darmanin dans le cadre de leur idéologie qui ne produit pas plus de discernement que d’idées font preuve d’un aveuglement partagé par celui de Ségolène Royal (Radio Classique, le 8/7/20 à 8h15) qui se plaignait de l’absence de femme aux ministères régaliens.
Certes, l’arrivée de Monsieur Dupont-Morety et de Madame Bachelot méritait quelques commentaires mais pas une focalisation qui occulte un aspect majeur de souveraineté : la nomination de Madame Annick Girardin à un ministère de la Mer plutôt rare dans les gouvernements de la Vème République. Le périmètre et la lettre de mission ne sont pas encore connus mais cette nomination suscite trois sujets majeurs de réflexion sur la souveraineté nationale, la souveraineté populaire, le régionalisme.
Souveraineté nationale parce que la France c’est 550.000 km2 de terre ferme et dix fois plus de Zone Économique Exclusive (ZEE) qui font que le soleil ne s’y couche jamais. Par cette ZEE, la France pourrait revendiquer une présence dans tous les organismes continentaux qui bordent ces mers et océans où elle est présente ; en particulier dans l’océan Indien aux îles Éparses et en Nouvelle Calédonie.
Cette étendue maritime conforte, autant que notre puissance nucléaire, la présence permanente française au Conseil de sécurité de l’ONU pour autant qu’elle ne soit pas bradée par un malfaisant au profit d’une Allemagne jalouse et d’une Europe fantasmée. D’ailleurs les épigones d’une Union Européenne, qui se prend pour l’Europe, devraient défendre la présence maritime planétaire française car la France lui donne un rayonnement que cette union d’impuissance n’aurait pas par elle même.

Souveraineté populaire car le peuple est soigneusement tenu à l’écart des négociations concernant les Îles Éparses suite à la déclaration ambiguë du Président Emmanuel Macron qui, fin avril 2019, s’était engagé à trouver une solution concernant la demande de don de ces îles à Madagascar qui les revendique avec l’appui plus ou moins discret de l’ONU, de la Chine, de la Russie ; même les lecteurs les moins avertis auront compris. Il est probable qu’un groupe de pression du milieu militaro-maritime a instruit le jeune Président des enjeux de la mer puisqu’il a affirmé la nature française de ces îles en octobre 2019 et qu’un ministère de la mer a été créé. Qu’il apprenne vite est bien mais cela prouve qu’il n’était pas vraiment prêt.
Dans le contexte d’une pression chinoise croissante dans l’océan indien, le poids géopolitique de la France est faible malgré la ZEE et la vente de matériel militaire à l’Inde et à l’Australie ; cette dernière devenant un allié objectif mettant en sourdine son ancien soutien aux indépendantistes de Nouvelle Calédonie.

Souveraineté populaire aussi parce que pour un n-ième vote à venir en octobre en Nouvelle Calédonie au sujet d’une sécession éventuelle (processus de Michel Rocard, premier mentor de Édouard Phlippe, qui laisse croire que les Calédoniens seront appelés à voter jusqu’à ce qu’ils la décident) exclut du scrutin une partie des Français installés de très longue date et acteurs économiques de première importance à la demande d’une autre partie de Français (certes installés depuis plus longtemps) à partir de critères ethnico-culturels….très médiatiques en ce moment. La République une et indivisible qu’ils disent…. citoyens égaux qu’ils disent aussi….. sans discrimination liée à la couleur de peau qu’ils disent enfin.

Régionalisme parce que la Nouvelle Calédonie est également intéressante dans la mesure où elle bénéficie d’un statut d’autonomie que les Régions de l’hexagone aimeraient avoir. Au moment où des propositions de réforme sur les champs de compétences des collectivités territoriales sont avancées une décentralisation plus développée devrait être retenue au profit des Régions selon un principe de subsidiarité qui ne serait pas incongru au vu du parfait traitement de la crise du covid19 par celles-ci compensant les carences nationales.
Penser global et agir local selon l’adage consubstantiel à la mondialisation passe par la concentration des compétences économiques au delà de la loi sur les Régions mieux à même d’avoir le seuil de pertinence que les départements ou les pseudo-métropoles.
L’approche girondine de Hervé Morin, Président de la Région Normandie, quand il était président de l’Association des Régions de France bataillant contre le tandem Macron-Philippe trop jacobin doit être poursuivie ; mais n’étant pas à la botte du tandem il risque de le payer cher aux prochaines élections régionales ainsi dévoyées.

Une liste commune LREM et LR (on en revient au premier paragraphe de cet article) parait probable, potentiellement pilotée par un quidam qui confond raison d’État et psycho-rigidité (âge pivot, 80Km/h) et considérerait la Région comme une salle d’attente confortable avant l’éventualité d’une présidentielle de son choix. On peut être droit dans ses bottes (héritage du second mentor) mais ce n’est pas une raison pour aller de travers.
Laissons de coté les manœuvres politiciennes pour s’attacher à l’essentiel : les souverainetés, la subsidiarité, la sécurité économique. Madame A Girardin ministre de la mer venant du ministère de l’Outre-mer a toutes les compétences pour mener une grande politique maritime (sous réserve de moyens et de définition de la mission) bénéfique à la France qui ferrait taire les critiques sur une relative marginalité du rôle des femmes dans le domaine régalien même si cela n’apparaît pas à première vue dans ce nouveau gouvernement et les commentaires médiatisés.
