L’OCCIDENT EST-IL VRAIMENT ESCLAVAGISTE ? 4/ 4

Par Bernard PLOUVIER

3 – La Traite d’Afrique orientale

Elle fut à la fois juive, copte, monophysite éthiopienne et majoritairement mahométane, pour les trafiquants, quasi-exclusivement mahométane pour les acheteurs. Elle a porté sur approximativement 8 millions d’humains, avec une mortalité en cours de transport d’environ 100 000 Noirs (Petré-Grenouilleau, 2004).

Les bassins de rapt étaient la Nubie (le Soudan égyptien), l’Éthiopie et les royaumes de Somalie, la région des grands lacs d’Afrique centrale (Kenya, Ouganda, Tanganyika). Les captures étaient organisées par des roitelets noirs, animistes le plus souvent, ou par le négus éthiopien, officiellement chrétien monophysite. Les négociants étaient des mahométans de Khartoum, de Mogadiscio et de Zanzibar, qui dispersaient leurs prises vers les Comores et les Mascareignes, vers la Péninsule arabique, la Mésopotamie et vers l’Égypte – où ils étaient revendus par des musulmans, des Juifs et des coptes -, vers le littoral libyen, ainsi que vers le Pakistan, l’Insulinde et la Malaisie. Des Juifs installés en Égypte assuraient la fourniture en esclaves de la Perse, où ces trafiquants étaient appelés Rhadanites (Heers, 2003).

Musulmans et Juifs, d’Alger et du Caire, n’hésitaient pas à châtrer des esclaves pour en faire des gardiens de harem ou des prostitués mâles (Heers, 2003), en dépit des interdits coraniques sur l’homosexualité (cf. supra).

esclaves au Caire

Si l’on additionne les deux dernières traites, en très grande partie mahométanes pour trafiquants et acheteurs – des traites si rarement citées par les auteurs bien-pensants –, l’on arrive à un chiffre approximatif de 16 à 17 millions d’êtres humains victimes de rapt à des fins d’esclavage : c’est nettement plus que le total de la Traite des Noirs vers les Amériques.

4 – A contrario

C’est d’Europe qu’est venue la campagne pour l’abolition de l’esclavage et ce sont les Européens qui l’ont interdit partout où ils ont dominé : en terres mahométanes aussi bien qu’en Éthiopie.

Fraçois-André Vincent, Libération des esclaves d’Alger

Après un premier essai en février 1794, les gouvernants français n’ont interdit la pratique de l’esclavage dans les possessions coloniales qu’en 1848, où il avait été rétabli le 10 mai 1802. Le 29 mars (avec décret d’application le 1er avril) 1815, au début des éphémères Cent Jours, Napoléon Ier interdit la Traite… elle le sera, par tous les États européens réunis en Congrès, le 9 juin 1915.

Mais il est bon de rappeler que le Code Noir de 1685, rédigé sous la direction du très grand ministre Jean-Baptiste Colbert – de nos jours sévèrement critiqué par des ignares ou des imbéciles pratiquant l’anachronisme, soit la pire des tares en matière d’écriture historique – affranchissait tout esclave dès qu’il mettait le pied sur le territoire métropolitain… dans la triste Ve République à bout de souffle, où le personnel politique et administratif paraît si minable, l’on aurait bien besoin d’un Colbert !

La domination russe sur les États caucasiens, définitivement acquise vers 1820, mit fin aux razzias des Turc mahométans pour se procurer des esclaves blancs (Lewis, 1982).

Les Danois avaient interdit la Traite et l’esclavage colonial en 1803. Les Britanniques interdirent la Traite par la Loi du 23 février 1807 (date d’application au 1er janvier 1808), mais n’abolirent l’esclavage dans leurs colonies par un vote du Parlement qu’en 1833, la date d’application étant fixée au 1er janvier 1835. L’esclavage colonial français fut interdit le 27 avril 1848 ; les Pays-Bas l’avaient interdit en 1818, l’Espagne en 1835 et le Portugal en 1839. Au Brésil, il fut interdit en 1850.

Aux USA,Abraham Lincoln abolit l’esclavage, à la date du 1er janvier 1863, en pleine guerre de Sécession. L’application de ce décret présidentiel attendit la fin du conflit, soit en 1865, devenant le 13e Amendement à la Constitution. Au Brésil, l’esclavage ne fut aboli qu’en 1888 (Petré-Grenouilleau, 2004).

En terres d’islam, l’esclavage disparut rapidement avec la colonisation par l’homme blanc. Toutefois, il fallut attendre 1922 pour l’obtenir au Maroc, simple protectorat français, alors que le sultan-calife de l’Empire ottoman l’avait aboli en 1876.

C’est la victoire italienne de 1936 qui libéra les esclaves et abolit la traite en Éthiopie. Les derniers négus n’avaient interdit que l’esclavage des Éthiopiens, mais ils poursuivaient la politique de razzia des Noirs étrangers à leur empire et l’exportation, fort rémunératrice, de ces esclaves en terres d’islam (Leroux, 1938). Kathleen Rochard-Manning, l’épouse du politicien Libéral John Simon, avait dénoncé l’esclavage des provinces d’Amhara et du Tigré, au Nord de l’Éthiopie, et l’exportation d’esclaves par les Éthiopiens vers les harems des mahométans du Hedjaz, de Nubie et du Kenya (in Louis Gillet, 1936). En France, un aventurier écrivait la même chose : Henry de Monfreid, qui connaissait admirablement la Mer Rouge, pour y avoir trafiqué, étant tantôt mahométan, tantôt chrétien, selon les ports et ses interlocuteurs.

En Arabie saoudite, où les Wahhabites avaient progressivement chassé de 1926 à 1932 les chérifs de La Mecque, l’esclavage fut très florissant dès les années 1920 ; la pratique n’en fut officiellement abolie qu’en 1968.

L’esclavage est réapparu en Afrique noire et en Asie, aux XXe et XXIe siècles, avec la décolonisation.

En Mauritanie, il ne fut déclaré hors la loi qu’en 1980, mais il fallut renouveler l’avis à la fin de la décennie 1990, et l’on considérait qu’au début du XXIe siècle, il existait encore environ 100 000 esclaves dans ce pays (Delacampagne, 2002).

Esclaves mauritaniens

En 2003, un rapport présenté devant l’Organisation des Nations Unies – un organisme supranational dont l’efficacité n’échappe à personne – faisait état d’environ 20 millions d’esclaves adultes et de dix à quinze fois plus d’enfants esclaves (Petré-Grenouilleau, 2004). Aucune mesure ne fut prise contre les États esclavagistes de fait, dont les représentants nièrent tous la réalité du phénomène et hurlèrent leur parfaite bonne foi, s’indignant d’une accusation « colonialiste »… ce qui ne manquait pas de sel !

De nos jours (Chebel, 2007), l’esclavage existe de fait en zones mahométanes d’Afrique et d’Arabie, du sous-continent indien et de Mélanésie ethnique. Il fleurit au Pakistan Oriental (Bengladesh), en Arabie saoudite et dans les Émirats arabes, ainsi que dans les États du Sahel où le prosélytisme et le terrorisme islamistes progressent d’année en année, pour la plus grande gloire d’Allah, le tout-puissant et le miséricordieux.

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La réduction en esclavage d’êtres humains est le meilleur exemple du caractère contingent des codes de lois, les faisant dépendre d’usages civils locorégionaux, d’un sentiment de « supériorité ethnique » qui définit le racisme, et de curieuses stipulations religieuses. Bien d’autres humains que le civilisateur européen devraient « battre leur coulpe », s’ils en sont capables.

Bibliographie

R. Austen : African economic history, Currey, Londres, 1987

P. Bernardini and Al. : The Jews and the expansion of Europe to West. 1450 to 1800, Bergham Books, 2000

I. Biezunska-Malowist : L’esclavage dans l’Égypte gréco-romaine, Actes du Groupe de Recherches sur l’Esclavage depuis l’Antiquité, 1973, volume 2, p. 81-92 (en libre lecture sur le Net)

M. Chebel : L’esclavage en terre d’islam. Un tabou bien gardé, Fayard, 2007

S. Daget : La Traite des Noirs, Éditions Ouest-France, Rennes, 1990

R. C. Davis : Christian slaves, muslim masters. White slavery in the Mediterranean, the Barbary coast and Italy, 1500-1800, McMillan, New York, 2003 (en réalité la traite des esclaves européens se poursuit jusqu’en 1830 en Algérie et jusqu’au milieu du XIXe siècle au Sahel)

C. Delacampagne : Histoire de l’esclavage. De l’Antiquité à nos jours, Librairie Générale de France, 2002

D. Eltis : The trans-atlantic slave trade database, Emory University, 2008 (en libre lecture sur le Net)

A. Fattal : Le statut légal des non-musulmans en pays d’Islam, Institut Catholique de Beyrouth, 1958 (consultable dans les facultés catholiques de France et de Belgique)

C. Folhen : Histoire de l’esclavage aux États-Unis, Perrin, 2007

L. Gillet : Londres et Rome, Grasset, 1936

J. Heers : Les négriers en terre d’Islam, Perrin, 2003

L. Henninger : Révolution militaire et naissance de la modernité, Krisis, N° 34, juin 2010, p. 58-75

P. Jeannin : Les marchands au XVIe siècle, Seuil, 1957

E. L. Leroux : Le conflit italo-éthiopien devant la SDN, Librairie technique et économique, 1938

B. Lewis : Race et couleur en pays d’islam, Payot, 1982

M. Maïmonide (Moïse ben Maïmon) : Le guide des égarés. Traité de théologie et de philosophie, Verdier, réédition de 1979 (le texte hébreu est du XIIe siècle ; selon divers auteurs juifs, la traduction contemporaine, en français, comme en anglais, «  » divers passages à caractère raciste et injurieux envers les Goyim… seuls d’abominables « révisionnistes » peuvent douter de l’intégrité morale des nobles éditeurs)

J. Matringhem, P. Randa et Coll. : Vers la société multiraciste, Dualpha, 2002

P. Montet : La vie quotidienne en Égypte au temps des Ramsès, Hachette, 1946

O. Petré-Grenouilleau : Les traites négrières, essai d’histoire globale, Gallimard, 2004

M. L. Raphael : Jews and judaism in the United States. A documentary history, Behrman, New York, 1983

D. M. Swetschinski : Conflict and opportunity in « Europe’s Other sea ». The adventure of Caribbean jewish settlement, American Jewish History, 1982, vol. 72, N°2, p. 212-240

J. Sévillia : Historiquement correct. Pour en finir avec le passé unique, Perrin, 2003

I. Shahak : Histoire juive – Religion juive. Le poids de trois millénaires, La Vieille Taupe, 1996 (l’auteur est un ancien déporté de Bergen-Belsen)

W. M. Watt : Mahomet à La Mecque, Payot, 1958

A. Wiznitzer : Jews in colonial Brazil, Columbia University Press, New York, 1960

En complément d’actualité de la rédaction :

http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2020/06/15/14-siecles-d-esclavage-et-de-traite-negriere-arabo-musulmane-6245966.html

https://www.lesalonbeige.fr/lesclavage-est-legitime-pour-la-coupe-du-monde-au-qatar/

http://www.fdesouche.com/1388321-italie-dix-nigerians-arretes-pour-trafic-detres-humains-de-jeunes-femmes-transitaient-par-la-libye-etaient-secourues-en-mediterranee-puis-forcees-a-se-prostituer