COVID-19 : LE DRAME DE L’AMÉRIQUE LATINE

Par Michel LHOMME

L’Amérique Latine continue d’être lourdement endeuillée par l’épidémie de Covid-19 et comme à Mayotte (mais, là la cause en est la désobéissance locale et le laxisme irresponsable et coupable du préfet et de la directrice de l’Ars, Dominique Voynet), l’épidémie ne cesse de progresser. Pourquoi ?

Système de santé défaillant, population précaire, manque de tests : les pays cumulent les faiblesses face au virus. En Equateur, au Chili, au Brésil ou encore au Pérou, la situation est catastrophique et alors que l’Europe poursuit son déconfinement, l’Amérique Latine est touchée de plein fouet. Avec plus de 100 000 contaminations, le Pérou est le deuxième pays d’Amérique latine le plus touché par la pandémie après le Brésil. Il est le troisième en nombre de décès, derrière le Brésil  et le Mexique, selon les derniers chiffres officiels. Au Brésil, la situation est catastrophique pour des raisons à la fois sanitaires et politiques ». Cela a été aussi une véritable catastrophe en Equateur, comme l’ont révélé les événements de Guayaquil.

Au Pérou, « c’est comme un film d’horreur, l’intérieur de l’hôpital ressemble à un cimetière pour les cadavres, les patients meurent sur les chaises, dans les fauteuils roulants » a raconté à l’AFP Miguel Armas, infirmier à l’hôpital Hipolito Unanue de Lima. Parallèlement, les crématoriums des cimetières de la capitale fonctionnent jour et nuit pour incinérer les patients décédés. Dès l’aube, des dizaines de citadins patientent sur les trottoirs. Dans les magasins, tous cherchent des bouteilles d’oxygène, seule chance de survie pour leurs proches infectés : les hôpitaux sont saturés et souffrent de pénurie. Il n’y a plus depuis le début de la semaine de bouteillles d’oxigène à Lima. Environ 1 000 médecins ont été infectés par le virus dont une vingtaine de décédés. Pourtant, le Pérou a confiné très tôt le 16 mars alors que le pays ne comptait que 86 cas de coronavirus. Il avait été alors le premier pays d’Amérique latine a imposé un confinement obligatoire à ses 32 millions d’habitants et avait même osé libérer près de 1000 détenus en avril pour empêcher la propagation du coronavirus dans les prisons surpeuplées. Mais la mesure n’a visiblement pas suffi pour empêcher le virus de se propager.

À 35 ans, la jeune ministre péruvienne de l’Économie, Maria Antonieta Alva avait d’ailleurs mis en place le plan de soutien à l’économie le plus ambitieux d’Amérique du Sud pour faire face au Covid-19, prouesse qui lui vaut d’être devenue l’une des figures politiques les plus populaires du moment. « Rock star » pour Bloomberg, « héroïne » de la lutte contre la pandémie pour le Wall Street Journal d’un gouvernement « anti-corruption » qui se dit apolitique, mis en place en octobre 2019 par le président Martin Vizcarra.

Maria Antonieta Alva a effectivement frappé fort en annonçant une enveloppe de 26 milliards de dollars, soit l’équivalent de 12 % du PIB national. En terme macroéconomique, le Pérou est ainsi le pays d’Amérique latine qui fait l’effort économique le plus important. Les efforts budgétaires du Brésil ou du Chili, deux pays voisins, ne s’élèvent qu’à 7 % du PIB. Même au niveau mondial, peu de pays peuvent se prévaloir de mettre autant d’argent sur la table, comparativement à la taille de leur économie, pour limiter les dégâts causés par le coronavirus. Le plan d’aide « historique » des États-Unis ne correspond qu’à 10 % du PIB, tandis que les 110 milliards d’euros débloqués par la France début avril sont l’équivalent d’un peu moins de 5 % du PIB.

Il faut dire que le Brésil, devait déjà faire face à de sérieux problèmes économiques avant le début de l’épidémie et comme en France, pays en voie de tiers-mondialisation, les secteurs de santé et de l’éducation sont parmi les moins bien financés en Amérique latine. Pour le Pérou er selon le Financial Times, la récession à venir pourrait être la pire depuis la guerre du Pacifique contre le Chili en 1879 lorsque la production avait chuté de 32 % car l’économie du pays dépend beaucoup des exportations de matières premières et du tourisme (le Macchu Pichu) deux secteurs fortement touchés par la crise sanitaire. Les mesures d’aides risquent alors d’apparaître comme un pansement temporaire pour une société qui reste très inégalitaire avec 20 % de la population qui vit sous le seuil de pauvreté.

Un manque de tests

Le « ratage » de l’Amérique latine réside souvent dans l’absence de dépistage.  Au Brésil, pays lourdement touché par le nouveau coronavirus avec 37.300 décès, le manque de tests est criant. Les chiffres de cas confirmés ne reflètent pas la réalité parce qu’on teste très peu. (environ 990.000 tests pour une population de 211 millions d’habitants!). La situation brésilienne est aussi catastrophique et amplifiée par un système de santé à deux vitesses : les hôpitaux privés sont bien équipés mais inaccessibles pour la population. De plus, la situation démographique du pays et la répartition des habitants dans l’ensemble du territoire du pays joue également en sa défaveur, le pire étant en Amazonie où les autorités sanitaires peinent à identifier les populations touchées. Au Brésil, il y a enfin environ 13 millions de personnes qui vivent dans les favelas.

L’urgence sociale pour les populations 

En Amérique Latine, aux problématiques sanitaires s’ajoutent les conséquences sociales et économiques. « On voit des vendeurs de rues, des gens qui sortent pour acheter des fruits et légumes », raconte Claire, une Française installée à Cuzco, ancienne capitale des Incas, au Pérou. A Lima, les rues du centre et de Gamarra sont pleines et sans aucun respect des gestes barrières car la majorité des habitants vivent dans l’informel et si les gens ne sortent pas pour travailler, ils n’ont pas de revenus. C’est ce que l’on appelle la survie. En cause notamment, les deux mille marchés alimentaires qui ont continué à fonctionner dans le pays et sont devenus au fil des semaines des foyers importants de contamination. Le retard pris par le gouvernement pour venir en aide aux familles les plus vulnérables a aussi conduit de nombreux latinos à sortir malgré les confinements imposés sans respecter les mesures de distanciation sociale.

Avec la crise sanitaire, 40% des Péruviens ont perdu la totalité de leurs revenus. Au Chili, en Equateur, en Bolivie, des émeutes de la faim éclatent entre policiers et habitants, dans les quartiers pauvres sans argent pour se nourrir, des habitants ont bravé le confinement pour manifester et réclamer des aides alimentaires, sur fond d’explosion du chômage et de la faim.

Ainsi, cette année, la pandémie va créer en Amérique latine 11,5 millions de chômeurs de plus dans cette partie du monde et l’économie s’y contracter de 5,3%, le sous-continent connaissant ainsi la pire récession depuis 1930.

Plus de drogue !

Enfin et c’est loin d’être négligeable dans l’économie réelle, le prix de la cocaïne n’a cessé de s’effondrer depuis le début la pandémie. Le prix de la cocaïne produite illégalement au Pérou s’est ainsi effondré de 58 %. Le kilo de cocaïne valait environ 1740 dollars en janvier, et en avril, il n’en valait plus que 734 dollars, a affirmé un rapport de la Commission nationale pour le développement et une vie sans drogue (Devida). Le rapport ne détaille pas les raisons pour lesquelles le marché a connu une évolution aussi spectaculaire. Il relève simplement que la pandémie a provoqué une baisse des prix, entre avril et janvier, de 46 % pour la feuille de coca, et de 51 % pour la pâte basique avec laquelle est ensuite fabriquée la cocaïne. Quelque 11 000 tonnes de feuilles de coca sont toutefois produites illégalement au Pérou. Deux de ses voisins, la Colombie et la Bolivie, font partie des autres grands producteurs, selon les données de l’ONU et qui sont donc aussi gravement affectés économiquement par la chute des cours. L’expansion de la pandémie de coronavirus a provoqué, outre l’arrêt de la grande majorité des vols internationaux, un confinement de populations entières qui a rendu le trafic de drogue plus difficile à dissimuler, dans des rues vidées de leurs habitants.

En complément :

https://www.tahiti-infos.com/A-Valparaiso-apres-la-crise-sociale-les-consequences-funestes-de-la-pandemie_a191791.html

https://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/11/coronavirus-au-perou-l-oxygene-se-vend-a-prix-d-or-sur-le-marche-noir_6042503_3210.html