HORREUR : ET SI VOUS ÉTIEZ FACHO-COMMUNISTE ?

par Jordi GARRIGA

Je pense que la première personne connue à prononcer cette expression en Espagne a été Carlos Iturgaiz, candidat du droitier Parti Populaire aux dernières élections qui auraient dû se tenir en avril au Pays basque. Il l’a utilisé pour défendre, dans une interview accordée à Federico Jiménez Losantos sur Es Radio, qu’il était nécessaire de « joindre ses forces » à Vox. Exactement, il a dit que cette collaboration était nécessaire pour affronter le « gouvernement facho-communiste », faisant allusion au PSOE et à Podemos. C’était le 24 février 2020.

Mais en enquêtant sur la nouvelle expression, j’arrive jusqu’en 2011 sur un blog libéral intitulé « Desde el Exilio« , dans lequel il y a un article intitulé: « La Corée du Nord, la dernière enclave du facho-communisme ». Et si je vais plus loin, je découvre un roman italien intitulé « Il fasciocomunista« , de 2003.

Dans un blog vénézuélien, j’ai trouvé une définition de ce qui se cache derrière cette étiquette ou ce que du moins elle prétend être: « adoption de pratiques ouvertement fascistes mais à l’abri de la rhétorique marxiste ». Vous voyez, ce que je veux dire, tout le paquet d’horreur et de répression, qui est quelque chose de forcément et automatiquement fasciste et qui de fait, serait conduit par un gouvernement de gauche d’où le terme “communiste”.

Il s’agit donc à première vue d’un concept venant de la droite libérale, la droite “lâche” ou modérée que l’on rencontre en Espagne et qui tient le pouvoir en France (le premier ministre Edouard Philippe en est un bon exemple sur le modèle “traite”), et c’est donc en réalité une tournure extrêmement perverse. La principale victime en sera toute personne qui proposera des mesures sociales, qui s’opposera aux privatisations, qui réclamera le contrôle politique des banques, etc. Puisque la nouveauté réside dans le fait que désormais tout communiste qui maintient une rhétorique ouvertement anticapitaliste et qui ne se limite pas à la promotion LGBTI + ou au féminisme ou à l’immigrationnisme ou à la fragmentation identitaire de la société, se fera dire qu’il est un « fasciste déguisé », car (citation précédente) « il agit comme un fasciste à l’abri d’une rhétorique marxiste ».

D’autre part, si le discours anticapitaliste est fait par un patriote sans symbologie ni langage marxiste, non seulement il continuera à être accusé toujours d’être fasciste, mais on ajoutera qu’il est un communiste déguisé, inaugurant une dynamique perverse où la réalité n’a plus d’importance.

C’est le dernier tour de manivelle. Et ce n’est pas parce que c’est une lutte contre le communisme pour les libertés, la démocratie, etc. C’est l’enlèvement des restes du dernier ennemi du libéralisme au XXe siècle. Le terme «facho-communisme» remplacera celui de «fascisme» dans les années à venir pour définir les sorcières et les hérétiques du XXIe siècle, quelque soit leur signe.