MAYOTTE : NUIT CHAUDE A CHIRONGUI ET PETITE- TERRE

par Michel LHOMME

Sur Mayotte, nous nous étions arrêtés la dernière fois au cambriolage du lycée de Mamoudzou Nord à Kawéni, visité et en effet vandalisé dans la nuit de lundi à mardi vers 2h du matin. Des ordinateurs ont été dérobés à l’administration, la bibliothèque et la vie scolaire mais aussi l’intendance, compromettant sérieusement le paiment des bourses du troisième trimestre. Les auteurs visibles sur les caméras de surveillance n’ont toujours pas été appréhendés ! L’établissement a néanmoins informé les parents ne pas être  en capacité financière de remplacer tout le matériel, l’argent des projets et des sorties scolaires pouvant être sacrifié pour renouveler et réparer le préjudice subi.

A Chirongui d’habitude très calme, la nuit de mercredi à jeudi a été très chaude de 3h à 6 h du matin par la prise en flagrant délit très musclée de jeunes voleurs porteurs de coupe-coupe et de machette dans les maisons autour de l’ancien stade. Les échaffourées ont duré plus de trois heures sans que la police n’intervienne, un camion transportant des militaires arrivant tout de même au lever du jour dispersant par sa simple disuasion les derniers récalcitrants.

Tous ces faits ne sont pas isolés et parsèment maintenant l’ensemble du territoire. D’ailleurs l’Éducation nationale déplore également des vols au sein de l’établissement de Ouangani, mais également à l’intérieur du rectorat lui-même. Pour le recteur Gilles Halbout, la lecture de ces faits divers comme de l’insécurité grandissante est limpide : il faut que les jeunes retrouvent au plus vite un cadre, celui de l’école. Sans doute mais le laxisme préfectoral y est aussi sans doute pour beaucoup : c’est une impunité générale que semble ici avoir décrété le préfet, n’ayant jamais été capable et surout souhaité faire respecter le confinement, le recteur plutôt bon enfant rappelant maladroitement en point de presse que « nous venons de faire 500.000 euros d’achats informatiques et une nouvelle commande du même montant a été passée. Nous avons un budget de plusieurs millions à ce titre, quelque part, on pourrait dire que l’argent n’est pas un problème” comme si il donnait une prime aux voleurs pour se servir !

Du coup, la situation est ubuesque, on parle de déconfinement dans une île qui en réalité ne l’a jamais été.

Les chiffres de l’Ars ne sont même plus diffusés quotidiennement comme il se devrait car ils n’auraient, nous dit-on en belle langue de bois, plus aucun sens aujourd’hui (quid en fait de l’information!) puisque le nombre de tests effectués augmentent maintenant tous les jours ! La maladie circule donc partout et plus un seul village n’est épargné, toutes les couches sociales de la société sont concernées, une accélération rapide et brutale à déplorer en plein Ramadan. Néanmoins, il semble que de sérieuses divergences soient apparues entre Dominique Voynet, partisane de la prudence sanitaire à tout prix mais qui semble être obligé de nuancer sa politique publique sous ordre émise par Jean-François Colombet, son préfet qui opterait lui pour la sauvegarde de l’économie locale à tout prix. Il vient même de déclarer en contradiction ouverte avec la métropole l’ouverture des bars et des restaurants pour le 25 mai soit après la fin du ramadan !

En tout cas tous ces débordements de plus en plus violents pousse la population à prendre de plus en plus des initiatives d’autodéfense afin d’assurer sa propre sécurité. Sur la Petite-Terre qui avait la réputation d’être le secteur le plus calme de l’île, ce sont des dizaines de jeunes armés de barres de fer, machettes, bâtons et autres, qui circulent dans les rues le soir rue incendiant d’ailleurs lundi soir une maison (notre photo de couverture) . La population de son côté manifeste de plus en plus son ras-le-bol. C’est à Mayotte que le Rassemblement National fait ses meilleurs scores (or il faut le dire pour les effarouchés ce sont des nègres « racistes » qui votent !)

Voilà pour le tableau général. Mayotte confirme la trajectoire qui fait d’elle le seul département d’Outre-mer encore en rouge sur la carte sanitaire. Pas un seul village, ni une tranche de population, ni une tranche d’âge n’échappe désormais à l’épidémie depuis le début du ramadan. Mais une autre caractéristique préoccupe les experts sanitaires ces derniers jours : la circulation du virus dans les zones précaires du grand Mamoudzou, les bidonvilles des sans-papiers, mettant en première ligne à la face des autorités l’habitat précaire depuis des années, le laisser-faire généralisé sur la question des frontières.

Dans ce triste état, ce naufrage social, le préfet envisage tout de même un déconfinement total en total décalage par rapport à la métropole et ce pour sauver les patrons et les entreprises.

Du point de vue religieux, on aura aussi constaté comme en banlieue française la soumission houellebecquienne du gouvernement : la foi des fidèles musulmans (bien sûr !) prime sur le danger sanitaire car si aucun lieu de culte n’est en théorie autorisé à ouvrir pendant le confinement, en pratique, à Mayotte certaines mosquées ne se sont jamais résigner à cette mesure (« on veut nous empêcher de prier notre religion! « ) et accueillent clandestinement les fidèles malgré les restrictions sans être inquiétée ! Les autorités savent bien que certaines mosquées ne respectent pas l’interdiction, mais elles ferment volontairement les yeux, dépassées par la situation. « On a essayé de travailler avec la gendarmerie, mais elle me dit qu’ils ont les mains liées parce qu’il s’agit d’un sujet sensible », avait précisé avec franchise dans un entretien télévisé récent le maire d’Acoua.

Alors comment les musulmans de Mayotte vivront la grande prière de l’aïd el-Fitr qui marque la fin du Ramadan ? De toute évidence, les gens iront faire la prière de l’aïd à la mosquée, il y a en tout cas déjà pour les préparatifs de nombreux embouteillages au chef-lieu.

Notons tout de même qu’un Airbus de l’armée de l’air s’est posé mercredi à Mayotte, assurant le transport de légionnaires du DLEM dans le cadre de la rotation habituelle de la caserne mais aussi une équipe de cinq militaires spécialisés NRBC (nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique) afin d’aider tous les services (du rectorat peut-être ?) nécessitant une désinfection de locaux dans le cadre de l’opération résilience. L’Airbus transportait aussi deux sections du bataillon de chasseurs alpins (BCA) soit environ 80 militaires qui seront semble-t-il affectés aux patrouilles nocturnes et nous dit-on à des missions de surveillance des frontière en appui des forces de sécurité intérieure. Alors ne craindrait-on pas dans le laxisme volontaire et l’inaction délibéré cependant le pire au point de s’y préparer en douce ?

Pour de nombreux expatriés, il est bien temps de partir….

Le dernier bulletin sanitaire vient de nous parvenir ce jeudi midi :

  • 854  cas confirmés de Covid-19 à Mayotte
  • 352 Patients officiellement guéris (mise à jour le 02.04)
  • 47 Hospitalisations de patients Covid-19 au CHM
  • dont 7 patients dans le service de réanimation  (dont 1 en réanimation néonatale), preuve d’une contamination par femme enceinte
  • 112 retours à domicile (après hospitalisation)
  • 10 Décès (depuis le début de la crise covid)

Toutes nos sincères félicitations au préfet Colombet  !