SPÉCIAL 1ER MAI : ADOLF HITLER, THÉORICIEN DU PREMIER MAI ?

Par Bernard PLOUVIER

C’est une affaire entendue ! Adolf Hitler est le monstre qui – après avoir vainement tenté de faire émigrer les Juifs des terres germaniques de février 1933 à octobre 1941 – a ordonné d’éliminer une grande partie de ces Juifs qu’il haïssait, dans une énième ressucée de cette réalité antique : l’extermination de masse des indésirables. Et l’auteur de ces lignes ne nie en aucun cas la réalité des crimes du Führer, qui découlent de son délire paranoïaque, de sa certitude d’avoir été choisi par la « divine providence » pour faire le bonheur de sa « race élue », ses « Nord-Aryens ».

Qui n’a lu ou entendu des passages de l’Exode ou du Livre de Josué relatant l’extermination des habitants du Pays de Canaan ? La Shoah fut la version industrialisée de cette antique réalité, que l’on décida en 1943-44 de dénommer « génocide » (soit un barbarisme grammatical, une chimère gréco-latine).

Tout au plus pourrait-on tirer de l’histoire des « fous de dieu » (Moïse, Mahomet, Tamerlan, Calvin, Cromwell mais aussi Wilson, le concepteur, en 1919, d’une nouvelle Europe dont les habitants paieront fort cher le délire mystique, Adolf Hitler, le calife autoproclamé Abou Bakr-II ou le curieux et très dangereux Erdogan, dont on ne sait s’il est un sincère mahométan ou un simple démagogue impérialiste) qu’ils sont inaptes à diriger un État. Hélas, les peuples adorent le mélange des genres, en l’occurrence le brouet politique épicé de métaphysique.

Seulement et n’en déplaise à une foule d’historiens carriéristes, Adolf Hitler ne fut pas uniquement l’homme qui ordonna des crimes de masse à l’encontre des Polonais, des Soviétiques, des Juifs et des Tziganes (ou Roms, Manouches, Gitans etc. comme on voudra les appeler). Ce fut aussi un théoricien et un praticien d’une forme nationale de socialisme.

Globalement Pierre-Joseph Proudhon (mort en 1865) et Adolf Hitler (mort 80 ans plus tard) s’accordaient sur la définition du véritable socialisme, qui n’a rien de commun avec les clowneries marxistes. « Le socialisme, c’est toute aspiration à l’amélioration de la société » (Proudhon) ; « Est socialiste celui qui se consacre entièrement à sa communauté nationale » (Hitler).

Dans ces deux présentations d’une réalité identique, la notion de grande aventure collective est présente, exigeant de tout travailleur le maximum, en quantité et en qualité de travail, au service à la fois de sa famille et de la communauté nationale. La différence entre les deux formulations s’explique par la fonction sociale des deux hommes. Le premier ne fut qu’un théoricien remarquable, mais vivant dans les nuées. Le second fut un très grand chef d’État, s’attelant en janvier 1933 au double problème d’un chômage de masse et d’une guérilla civile entretenue par le parti de l’étranger : les nervis du Komintern.

L’on peut résumer en quelques paragraphes la pensée sociale d’Adolf Hitler, longuement exposée – parfois avec un excès, très germanique, de métaphysique – dans Mein Kampf et de nombreux discours des années Trente.

Une société fondée sur le sens éthique n’est riche que du travail et de l’inventivité de ses membres. Le travail et la pensée des humains créent le capital et les biens consommables. La spéculation ne crée rien, étant pure exploitation de la crédulité humaine, au seul profit de quelques égoïstes.

Le véritable socialisme n’est en aucun cas lié à l’étatisation de l’outil de travail, de financement ou d’échange, qui est le meilleur moyen d’obtenir une sclérose du système économique : sous-productivité, irresponsabilité, népotisme et corruption. Le véritable socialisme n’est pas seulement la nécessaire solidarité envers qui est dans l’incapacité de travailler pour subvenir à ses besoins, c’est avant tout l’union réelle et profonde des membres d’une nation, dans le but d’accroître le Bien Commun. C’est, au final, mobiliser l’ensemble de la société pour faire progresser la communauté nationale, aux plans économiques et culturels.

Un chef d’État socialiste se doit de rappeler aux employeurs les droits de leurs salariés : juste rémunération, protection sociale de base (assurance-maladie et invalidité, retraite au bout de 4 ou 5 décennies de travail, indemnisation en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail, hors faute de l’employé), mais aussi considération et respect, gagnés par la quantité et la qualité du travail fourni. En revanche, les démagogues du pseudo-socialisme ne font que distribuer aux parasites sociaux l’argent collecté par les taxes et les impôts : c’est la consommation assurée aux fainéants et aux sous-productifs.

L’État « doit donner des buts à l’économie » dans l’intérêt de la nation et non pour favoriser entrepreneurs, négociants et financiers (Ernst Wagemann, 1938, qui fut président de l’Office de statistiques économiques du Reich, de 1923 à 1933, puis de l’Institut de recherches économiques, jusqu’en 1945). L’État doit favoriser l’industrie par un enseignement technique de grande qualité, le commerce par les infrastructures (route, rail, ports et aéroports, fourniture énergétique) et l’aide des corps diplomatique et consulaire. Enfin, l’État doit s’impliquer dans l’organisation du crédit, lorsque l’offre privée s’avère défaillante ou abusive dans ses exigences, et proposer des prêts à très bas taux d’intérêt aux salariés désireux d’accéder à la propriété du logement familial, ainsi qu’aux artisans, agriculteurs, marins pécheurs et commerçants en début de carrière, pour leur permettre d’acheter leur matériel de travail.

Tout cela définit la politique populiste, critiquée par une foule d’esthètes et d’experts… qui se sont trompés en tous points durant les années 1920-45 et continuent d’accumuler débâcles financières et crises économiques génératrices de chômage de masse.

Les « révolutionnaires-conservateurs » de tous pays n’ont jamais été que des réactionnaires, issus de milieux aisés ou fortunés, haïssant la plèbe et reprochant au fascisme et au IIIe Reich leur politique de fusion des castes et des classes sociales : Moeller van den Bruck (1923), Ernst Jünger (1932), Oswald Spengler (1933), Ernst von Salomon (1951), Julius Evola (qui n’en finit pas d’agonir « l’aspect prolétarien et même vulgaire du national-socialisme », 1964) se rapprochent des technocrates français de la soi-disant Synarchie. Ce sont, au choix, les héritiers des austères révolutionnaires français de 1792-94 ou des nostalgiques du despotisme éclairé. Ils retardent, en tous cas, de deux siècles.

Ces diplômés d’université, conservateurs ou non (comme Hannah Arendt, qui n’a jamais trop su à quoi elle adhérait vraiment), n’ont jamais saisi l’essence du populisme, qui est de combattre la médiocrité, confinant à la nullité, de l’esprit prolétarien. Le prolétariat ne se définit pas plus par l’absence de diplôme que par la fiche de paie, mais par un état d’esprit. Se complaire dans l’abrutissement, les jérémiades et les incessantes revendications, se vautrer dans l’alcoolisme et l’absence d’appétit intellectuel ou encore dans le sabotage du travail, ce sont les minables comportements du prolétaire.

C’est ce qu’avaient noté, au même moment et de façon séparée, Adolf Hitler (in Mein Kampf, 1925) et Giovanni Gentile, le fasciste (cité in Julius Evola, 1972) : le prolétaire est celui qui accepte de vivre et de travailler dans la crasse, la misère et l’abrutissement ; tabac et alcool, violence et ignorance deviennent les attributs de cet individu attaché aux seules fonctions organiques. Le prolétariat est uniquement un état d’esprit et non une condition économique et sociale. On se contente d’une vie quasi-animale au lieu de tenter de s’élever, on sabote son travail et l’on rumine des slogans de haine.

L’argument de Karl Marx selon lequel le travail est une valeur née dans l’esprit de la bourgeoisie est purement grotesque. Certes l’appartenance à une catégorie de travailleurs, par affiliation à une corporation ou à un syndicat, joue un rôle non négligeable dans l’identité sociale, mais la fierté du travail bien fait, avec son corollaire, l’utilité sociale, est une notion individuelle intensément valorisante, comme peut l’être l’appartenance à une communauté familiale, religieuse ou nationale.

Tout ceci participe, de façon variable selon chaque individu, à l’éclosion d’une éthique personnelle et d’une « conscience collective ». Chaque être humain a besoin de développer sa propre estime. La bonne santé mentale de l’adulte nécessite qu’il ait compris que par son travail, il œuvre autant pour enrichir sa communauté nationale que sa propre famille. C’est la doctrine des chefs populistes et c’est ce qu’ont réalisé, avec plus ou moins de bonheur, le Duce et le Führer, ou leur émule argentin Raoul Perón.

En 1887, Gustave de Molinari, le théoricien libéral belge opposé à toute intervention de l’État dans l’économie, qui demeure l’un des grands ancêtres de nos ultra-libéraux des années 1980 sq., avait écrit : « Du point de vue économique, les travailleurs sont comme de véritables machines… et doivent se comporter comme des instruments résignés » (Lois naturelles de l’économie publique, étudié in René Gonnard, 1943). Il est évident que la division et la fragmentation du travail, la répétition monotone de tâches dépourvues d’intérêt sont très dévalorisantes pour l’ouvrier : Jean-Jacques Rousseau et Adam Smith avaient déjà signalé ce fait (analyse in Pierre Rosanvallon, 1989). « La machine la mieux stylée n’a jamais délivré personne. Elle abrutit l’homme » (« Céline »-Destouches en 1936)… à quoi l’on peut ajouter que les robots les mieux programmés ne remplaceront jamais un homme de très forte capacité cérébrale et de grande inventivité.

L’ouvrier noyé dans une grande usine ne reconnaît pas le résultat de son travail dans le produit fini, auquel ont contribué beaucoup d’intervenants. Il perd donc, de façon bien naturelle, toute affection et tout intérêt intellectuel pour sa tâche quotidienne, qui n’est plus qu’un gagne-pain aliénant (Friedrich Hegel, 1821 et développement in Jean-Christophe Merle, 1997). Non seulement, l’ouvrier de grande fabrique est le parent pauvre de la Révolution industrielle, mais aussi le laissé pour compte dans l’allégresse générale des enrichis, matériellement et intellectuellement : les patrons et les ingénieurs. Ce parent pauvre devient un exclu, un humilié, lorsque, privé de travail par le chômage ou devenu invalide, il ne lui reste que le recours à la charité publique ou privée pour survivre.

Adolf Hitler a longuement développé les arguments hégéliens dans Mein Kampf. [rappelons d’ailleurs que la célèbre devise d’Auschwitz «  Die arbeit macht frei »est une citation de Hegel ; NdR]. Pour lui, travail et créativité doivent aller de pair. Tout travailleur intelligent se doit d’apporter une amélioration, aussi infime soit-elle, à une technique ou à un mode de fonctionnement. Mais innover n’est pas jouer à l’agent subversif. Le travailleur de qualité doit constamment s’améliorer, s’adapter aux véritables innovations, celles qui sont une réelle source de progrès, permettant de simplifier la vie et d’accroître la productivité des travailleurs, mais sûrement pas s’adonner à la revendication sociale permanente et tous azimuts. Le travail humain n’est pas seulement une marchandise. C’est aussi, selon ce qu’en fait la société, un facteur d’épanouissement ou d’abrutissement pour l’honnête travailleur (Adolf Hitler, in Mein Kampf et dans de nombreux discours de 1933 à 1936).

On reconnaît volontiers que le travailleur idiot ne peut être employé qu’aux tâches mécaniques et que le fainéant doit être mis au chômage, jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il a tout à perdre en jouant au parasite social. En outre, le travail n’est rentable que s’il débouche sur des produits ou des services utiles : la loi de l’offre et de la demande régit le commerce, partant la production. Il faut donc trouver le poste de travail idéal pour chacun, éduquer les travailleurs et les fabricants, leur faisant comprendre le rôle social du travail, qui est de servir efficacement la collectivité nationale (mêmes sources).

L’organisation politique doit œuvrer parallèlement à l’organisation économique pour offrir sa place optimale à tout individu, fût-il très peu doué. Hegel en revient à la phrase maîtresse de Thomas Hobbes (1651), qui est le fondement même de la doctrine populiste : « À chacun selon son dû », soit l’adéquation du juste salaire et du rôle joué par le travailleur dans la société, mais aussi l’accession à la propriété de son logement et l’accès à tous loisirs sportifs ou culturels qui peuvent égayer son temps libre.

Avoir compris ces données, avoir enclenché le processus de réformes pour améliorer la vie des travailleurs et des citoyens, même de façon imparfaite, forment l’essentiel de la gloire du Duce et du Führer, quelles qu’aient pu être leurs erreurs sur d’autres points, voire leurs crimes.

En excellent chef d’État populiste, Adolf Hitler a fait passer l’intérêt collectif avant l’individuel. Mais il a aussi redistribué à toutes les catégories de travailleurs authentiques le surplus de la valeur ajoutée par le travail humain, sous la forme de participation aux bénéfices des entreprises, d’une large ouverture des universités aux jeunes gens pauvres et doués, de loisirs sportifs, touristiques et culturels. Sa politique économique et sociale fut de donner du travail à chaque citoyen – ce qui, dans le IIIe Reich, excluait les non-Germaniques -, tout en respectant la vie de famille, à la différence de la sanglante et barbare première expérience marxiste.

Tout homme digne de ce nom aime se sentir utile, efficace, surtout dans le cadre d’une grande aventure collective. On comprend aisément que les fils d’ouvriers ou de paysans pauvres aient été enthousiasmé par les avancées sociales du Reich hitlérien et par la fin de l’esprit de caste en terres germaniques. Ils eurent l’occasion de démontrer, de 1939 à 1945, leurs qualités d’audace, de courage, d’opiniâtreté et de sens tactique qui n’eurent rien à envier à celles des fils de bourgeois et d’aristocrates.

Reconnaître les mérites politiques, économiques et sociaux d’Adolf Hitler durant les années de paix de son Reich national-socialiste n’est nullement faire l’apologie de son absurde racisme et encore moins excuser les crimes contre l’humanité issus de son délire paranoïaque. Un minimum de sens des nuances s’impose. L’écriture historique n’a rien à gagner en poursuivant la puérile tradition manichéenne. D’ailleurs le « grand homme » n’estimait-il pas que le 1er mai était la fête sociale par excellence ?

Indications bibliographiques

L. F. « Céline »-(Destouches) : Mea culpa, Denoël, 1936

J. Evola : Le fascisme vu de droite, Éditions du Cercle Culture et Liberté, 1981 (première édition italienne de 1964 ; le texte français reprend exactement celui de l’édition de 1974)

J. Evola : Les hommes au milieu des ruines, Les Sept Couleurs, 1972

R. Gonnard : Histoire des doctrines économiques, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1943

F. Hegel : Principes de la philosophie du droit, Gallimard, 1940 (primo-édition allemande de 1821)

A. Hitler : Mein Kampf, Nouvelles Éditions Latines, 1934 (texte élaboré en 1924 pour le premier tome, en 1925 pour le second ; on rappelle, car peu d’« historiens sérieux, patentés et diplômés » semblent s’en souvenir, que la traduction française, non autorisée par l’auteur, et la diffusion illégale – et de ce fait condamnée par la justice française – de cette édition pirate ont été financées par la LICA, ancêtre de la LICRA, comme il ressort d’un article de Bernard Lecache paru dans la livraison du 5 septembre 1936 du Droit de vivre, l’hebdomadaire de la LICA)

A. Hitler : Principes d’action. Huit discours intégraux prononcés en 1933-1936, Déterna, 2014

T. Hobbes : Léviathan, Gallimard, 2000 (première publication anglaise de 1651)

E. Jünger : Le travailleur, Christian Bourgois, 1989 (première parution allemande en 1932) 

J. C. Merle : Justice et progrès. Contribution à une doctrine du droit économique et social, P.U.F., 1997

A. Moeller van den Bruck : Le Troisième Reich, Redier/Sorlot, 1933 (texte paru en Allemagne l’année 1923, donc sans relation avec le régime national-socialiste)

P. Rosanvallon : Le libéralisme économique. Histoire de l’idée de marché, Seuil, 1989

E. von Salomon : Le questionnaire, Gallimard, 1953 (en faisant abstraction de la haineuse et très inutile préface de Joseph Rosenthal-« Rovan » pour la réédition de 1982 ; la traduction française de 1953 a sabré des passages entiers du texte paru en allemand l’année 1951, notamment tout ce qui touche aux traîtres travaillant pour le GRU, le service d’espionnage et de sabotage de l’Armée Rouge)

O. Spengler : Années décisives. L’Allemagne et le développement historique du monde, Mercure de France, 1934 (première édition allemande de 1933)

E. Wagemann : La stratégie économique. Principes généraux de politique économique, Payot, 1938