Par Bernard PLOUVIER
L’article de Mr. Viktor Miklin, dont j’ignore s’il a une compétence médicale – ce dont je doute – mais qui semble bien ignare en histoire contemporaine, est un tissu d’extrapolations complotistes.
Son unique paragraphe à prendre en considération est le premier : une équipe indienne aurait retrouvé des fragments d’ARN de virus HIV dans le nouveau coronavirus (appelez-le Covid 2019 si ça vous amuse)… et là, on est ou très perplexe ou très amusé.
Comment imaginer que des expérimentateurs soient parvenus à mixer dans une même capside virale (l’enveloppe) à la fois un ARN classique et un ARN de type rétroviral ? L’enzyme essentiel, la transcriptase reverse, existe chez le second, mais nullement chez le premier.
En outre, si à la grande facilité de transmission du coronavirus (la voie aérienne), on ajoutait l’extraordinaire faculté des virus HIV de détruire l’immunité cellulaire des cellules humaines qui en deviennent les « hôtes », on aurait une arme virale quasi-absolue… et depuis 2 ou 3 mois que dure l’épidémie, on aurait attient des chiffres de mortalité aussi hallucinants que ceux de la Grande Peste de 1347-49 !
Pour un médecin ayant lu chaque semaine la livraison du New England Journal of Medicine des années 1980 et suivantes, ceci rappelle la querelle opposant – pour la plus grande joie des lecteurs européens – médecins US et médecins soviétiques qui s’accusaient mutuellement d’avoir créé de toutes pièces le HTLV-III (rebaptisé HIV en 1986)… et les Soviétiques accusaient les « chercheurs de la CIA » d’avoir « créé » ce virus par transformation du rétrovirus Visna des moutons (depuis : Visna-Maedi).
Cette hypothèse fut soutenue jusqu’à sa mort survenue en 1995 par un ex-espion du Komintern (ayant sévi en France à partir de 1932) : Jakob Segal, plus tard cytologiste de Berlin-Est, dont les articles délirants ont régalé nombre d’homosexuels complotistes jusqu’au début du XXIe siècle… l’hypothèse Visna s’étant effondrée avant le changement de millénaire.
Jusqu’à présent, les recherches de guerre microbiologique (interdites par Convention internationale le 17 juin 1925 – on verra plus loin pourquoi une nouvelle interdiction fut réalisée) se sont avérées bien plus décevantes que celles des gaz toxiques… et il est bon de rappeler que le Führer maudit du IIIe Reich a interdit l’usage des gaz hypertoxiques que son Reich possédait en exclusivité : le Sarin, le Tabun et le Soman.
On reconnaît volontiers que les nobles citoyens des USA n’ont pas molli dans l’usage du napalm – cette merveille d’essence gélifiée ou saponifiée, en France en 1944, puis en Asie du Sud-Est – ou de l’agent défoliant cité sans grande originalité par M. Miklin. Mais ni les gaz toxiques, ni les projectiles incendiaires ne sont de la guerre microbiologique.
Durant les années 1936-45, les recherches de guerre bactériologique ont été menées au Japon, dans l’Unité 731 du lieutenant-général Shiro Ishii (un personnage devenu mythique par son utilisation littéraire : on ne compte plus les thrillers à prétentions historiques ou les navets hollywoodiens qui ont célébré « les ravages » de cette unité réellement maudite par tous les médecins dotés de conscience). Les hommes d’Ishii ont fait joujou avec du Yersinia pestis et ses puces vectrices, d’où une petite épidémie très localisée de peste à Shanghai en octobre 1940 et une autre à Nankin en 1941.
Dans l’aristocratique Grande-Bretagne de Churchill, les humanistes du centre de Porton Down (dans le Wiltshire) dirigé par Paul Fildes (The Defense Science and Technology Laboratory) se sont amusés avec Clostridium botulinum et sa toxine. On ajouta même une capsule contenant de la toxine botulinique fort dangereuse aux projectiles d’armes à feu… en des expériences plus ridicules que dangereuses (sauf pour les laborantins qui préparaient les capsules) : la chaleur de l’impact détruisait la toxine ! On s’amusa aussi beaucoup avec Bacillus anthracis, terriblement dangereux à manipuler.
On comprend que le 10 avril 1972 une nouvelle Convention internationale ait interdit formellement (ou pour la forme !) la guerre microbiologique. Depuis lors, la guerre bactériologique est toujours à l’étude dans les laboratoires des grandes armées, comme dans les ateliers artisanaux de terroristes. C’est une arme que l’on peut considérer comme étant plus dangereuse pour qui la fabrique que pour les cibles visées.
On sait bien que les « puissants de ce monde » sont des paranoïaques qui se placent au-dessus des lois et de l’éthique, mais les armes efficaces ne doivent ni être trop facilement identifiables quant à leur origine, ni toucher la population du pays d’origine (l’effet boomerang bien connu des gaz de combat dès leurs premières utilisations durant la Grande Guerre).
Que Donald Trump utilise une épidémie d’origine chinoise à faible mortalité pour en faire une arme de guerre commerciale contre la Chine, grâce à la complicité de clowns médiatiques et politiques, c’est une évidence.
Mais si de grandes équipes de virologues dévoyés s’étaient penchées sur la création d’un virus hautement dangereux, ils auraient fait autre chose qu’un énième coronavirus d’allure grippale.