LA GAUCHE TUE-T-ELLE LES FEMMES?

Par Jordi Garriga

Le féminisme moderne tombe lentement dans l’absurde et, petit à petit, abandonne les positions qui ont légitimé la lutte de nombreuses femmes pour que la condition féminine ne soit pas un motif d’exclusion arbitraire en politique ou dans le monde du travail. I l se perd dans un extrêmisme dangereux: il suffit en effet d’être une femme pour être une victime, c’est-à-dire du côté des «bons», alors soyons toutes des femmes, parlons au féminin pluriel ou usons de la grammaire inclusive et mutilons, pourquoi pas, nos parties génitales. Mais dès lors, il n’y a plus de femmes en tant qu’êtres reconnaissables comme tels, où sont donc les femmes ? … Ainsi, la “gôche” réalise ce que certains sexistes n’avaient encore jamais réalisé.

Cette thèse est liée à la récente expulsion du Parti féministe d’Espagne (PFE) de la coalition de la Gauche unie (Izquierda Unida). La principale raison en est la divergence de ce groupe politique avec la réforme prévue de la « loi sur l’identité de genre » par le gouvernement actuel.

Il y avait déjà eu des tensions des féministes espagnoles avec Izquierda Unita sur des questions telles que la position à adopter devant la prostitution ou la maternité de substitution (“location du ventre”). Ainsi, en 2018, par exemple, Izquierda Unida avait supprimé son « Espace des femmes » et l’a changé en un « Espace de liberté d’expression affective-sexuelle », si quelqu’un sait ce que cela signifie.

Le positionnement du Parti Féministe Espagnol face aux changements à venir est clair et retentissant: il s’oppose à ce que tout homme soit considéré comme une femme en raison d’un simple caprice, car cela signifie, pour les féministes hispaniques, supprimer les femmes et encourager le “loyer du ventre”, puisqu’il faut bien que quelqu’un tombe enceinte… et loi de la nature encore, il y a des êtres qui ne peuvent pas faire cela, quelle que soit l’affirmation volontariste de leur identité féminine. Un autre point important est que dans les nouvelles lois que la Gauche espagnole prépare, lorsqu’un mineur souhaitera changer son identité sexuelle, il pourra le faire sans aucun examen médical ou psychologique préalable.

L’actuelle dirigeante du PFE, la militante féministe-marxiste historique Lidia Falcón, mère de toutes les batailles, n’a jamais eu d’objection à affirmer publiquement que: « Les femmes n’existent plus, nous ne sommes que des genres, mais des gifles sont données aux femmes, pas au genre » c’est-à-dire que selon elle, dans la situation actuelle, l’oppression masculine atteint l’identité féminine elle-même, pour être supplantée par ceux qu’elle décrit elle-même comme « des femmes à barbe ». Ainsi, nous lisons ceci sur son Twitter officiel:

«Les arrogants et moqueurs, qui connaissent la vérité absolue, qui se moquent des twits du PFE n’ont aucune grâce, car ils soutiennent l’hormonalisation des mineurs qui les conduira dans quelques années à la perte de densité osseuse, aux troubles de l’alimentation et de poids et surtout de troubles mentaux. En même temps, nous, les mères, nous disparaissons, nous en sommes plus il n’y aura plus que des « progénitrices », et les personnes transgenres, c’est-à-dire “les femmes à barbe”, s’arrogent également cette capacité, car elles n’ont pas perdu leur capacité reproductrice et c’est uniquement dans les plus terribles dystopies contemporaines que nous rencontrons et pouvons imaginer des horreurs similaires. Si ces lois sont adoptées en Espagne, nous vivrons le cauchemar des femmes anglaises forcées de partager les toilettes avec des personnes trans qui n’ont même pas été opéré.» (Décembre 2019).

De toute évidence, ce discours a été considéré par la Gauche arc-en-ciel de la Gauche unie et le PCE comme un « discours de haine » et ceux-ci ont invité les féministes à retirer ces déclarations. Devant le refus féministe, la Purge, l’épuration a été adoptée et le 22 février, le PFE a été expulsé en assemblée extraordinaire de la gauche espagnole avec 85% des voix pour. Selon Lidia Falcón, « depuis la dictature (de Franco), je n’avais jamais reçu d’insultes, de menaces et de faux semblant m’empêchant d’écrire et de parler comme maintenant. Pas sous les gouvernements de l’UCD et du PP (droite). Maintenant, ce sont les trans qui décident qui et quoi écrire. Dans quel pays sommes-nous?  » et “Si. Nous sommes très peu soumises. Ni au patriarcat, ni à la capitale, ni aux trans, ni aux proxénètes, ni aux michetons. Un doigt dans le cul pour tout machiste habillé en progressiste. »

Le problème dans cette histoire réside, à mon avis, dans le fait que la gauche (comme la droite) est une aile de la même idéologie du progrès qui imprègne dorénavant tout. Elle est passé de la revendication de la liberté collective à la liberté individuelle (qui est simplement du libéralisme); de la revendication de l’égalité politique à l’égalité ontologique, qui transforme l’homme en choses de la même entité que les animaux ou les objets (alors commercialisables et interchangeables). On est ainsi passé de la dictature du prolétariat (ceux qui n’ont que des enfants) à la dictature des sans sexe (bienheureux les sans famille et sans racines !).

La gauche, postmoderne et rose fuchsia, semble vouloir rivaliser avec le capitalisme pour voir qui est plus avancé, qui est ainsi le plus libertaire et le plus émancipateur en oubliant que justement le libéralisme sociétal qui constitue la base du système politique et économique actuel par le déracinement, la désidentité y compris sexuelle. Dans cette logique, être un homme ou une femme s’avère être une limite désagréable que la nature impose et qui doit être « surmontée », dialectiquement “dépassée”, en fait éliminée.