par Franck BULEUX
Il y a déjà 64 ans, la France passait l’hiver en pleine campagne électorale législative. Les élections, alors sur un seul tour et donc, un seul jour, étaient prévues le 2 janvier 1956. La mobilisation de l’opinion était totale, sur toute la France, qui était d’ailleurs, à l’époque, d’une autre dimension, au moins géographique.
Il serait incertain, voire improbable, de nos jours de programmer une élection importante un 2 janvier… Il n’y a plus de transports, les Français ne s’intéressent que peu à la vie publique (sauf à l’immédiateté du Buzz…), alors vous pensez aller voter le lendemain d’un jour de l’an.
Il y a 64 ans, plus de 80 % des Français s’exprimaient et portaient 52 députés Union et fraternité française (UFF) au Palais-Bourbon. Deux millions et demi d’électeurs rejetaient les radicaux « de gauche » et « du centre droit », Pierre Mendès-France et Edgar Faure, emblèmes de la IVe République ingouvernable du fait, non de la représentation proportionnelle par circonscription (souvent départementale), mais des retournements d’alliances entre socialistes, radicaux et républicains modérés.
L’UFF emmenée par le « papetier de Saint-Céré », Pierre Poujade était la représentation contemporaine, mais organisée, des luttes anti-fiscales de la Harelle, que j’ai évoquées lors d’un billet précédent. Il a été beaucoup écrit, beaucoup dit sur cette aventure électorale que fut « le poujadisme », véritable alliance de la boutique et de l’usine, de la terre et du peuple. Ce fut surtout l’une des premières expressions de la droite sociale française, après la Seconde Guerre mondiale.
Le populisme moderne aurait intérêt à se retourner sur ce mouvement (le Mouvement Poujade) qui a su mobiliser les Français au cœur de l’hiver 55/56, pour lutter contre les inégalités fiscales de l’État tout-puissant. Déjà à l’époque, la France des terroirs se levait contre un État jacobin, centralisateur et niveleur.
Le plus jeune député français, élu poujadiste de Paris face au communiste, passé à l’islam, Roger Garaudy et au futur député élu sur la liste Le Pen en 1986, Édouard Frédéric-Dupont (pour le Centre national des indépendants et des paysans, CNIP), s’appelait Jean Le Pen (pas encore Jean-Marie…) et illustre, un peu, que l’UFF fut à l’origine, aussi, de la renaissance de la droite nationale, populaire et sociale. Et Poujade créa Le Pen…
À l’époque, il n’y avait pas de « trêve », le mouvement poujadiste avait su rassembler. Ce mouvement, issu des luttes anti-fiscales françaises, est, en doutons-nous, le père des Gilets jaunes, ces structures locales spontanées nées de contestations patentes.
64 ans après, le président Macron a fêté ses 42 ans en Côte d’Ivoire, le 21 décembre, les syndicats parlent de « lutte » ou/et de « trêve ». Il y a 64 ans, le peuple français lançait sa reconquête sociale et fiscale.
Bien sûr, le gaullisme a stoppé le poujadisme, même si le 13 mai 1958 a permis, notamment, au poujadisme de servir, malgré lui, de marche-pied au Général. Mais c’est une autre histoire…
Il y a 64 ans, un peuple se levait dans la rue comme dans les urnes, lançant un slogan qu’il serait bon, en 2020, de reprendre : Sortez les sortants !