Michel LHOMME
Le feuilleton de la privatisation controversée de l’aéroport de Toulouse, supervisée par Emmanuel Macron lorsqu’il était Ministre de l’Economie comme modèle à venir de la vente de l’aéroport de Roissy aujourd’hui en cours tourne à la spoliation manifeste. Le consortium chinois, Casil Europe détenteur de 49% des parts vient en effet de faire part de son souhait de revendre ses parts 192 millions plus cher que le prix d’achat. Après seulement quatre ans d’exploitation, le géant asiatique a en effet mandaté la banque Lazard pour revendre ses parts près de deux cents millions d’euros plus cher que le prix d’acquisition soit 308 millions d’euros.
L’actionnaire chinois justifie sa plus-value par l’augmentation du trafic de l’aéroport toulousain, passé de 7,6 à 9,6 millions de passagers entre 2015 et 2018. Cette croissance s’explique par le développement des vols low-cost (qui représentent maintenant 42% du trafic). Or l’implantation d’EasyJet, de Ryan Air ou de Volotea, avait été négocié avant l’arrivée des Chinois.
Plus-value massive et siphonage de dividendes
Outre cette future transaction juteuse, Casil Europe a versé en quatre ans plus de 40 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires chinois dont 16,5 millions ont été puisés dans les réserves de l’aéroport toulousain. Pour cela, Casil Europe a d’ailleurs été accusé en novembre 2018 par Valérie Rabault, députée socialiste et rapporteur spécial d’un rapport parlementaire sur les participations financières de l’Etat, de «vider les caisses» de l’aéroport : ce qu’ils ont proprement et légalement faits.
Casil Europe vient de motiver la revente par le fait que l’Etat français n’a pas exercé son option de cession de ses 10,01% de parts restantes, qui aurait pu permettre au consortium de devenir actionnaire majoritaire. L’Etat avait en effet dû reculer à la demande des collectivités locales et de la Chambre de commerce et d’industrie de Toulouse, réticent à un tel scénario. La Cour des comptes elle-même avait critiqué l’opération de cession et la gestion de Casil Europe en octobre 2018.
La décision de Casil Europe pourrait bien desservir les intérêts français, puisque des groupes nationaux pourraient souhaiter reprendre les parts, et ainsi faire les frais de cette plus-value. En 2014, Aéroports de Paris et Vinci Airports étaient candidats au rachat. En 2018, la Banque populaire occitane associée à Natixis et à la Caisse d’épargne Midi-Pyrénées avaient signalé leur intérêt en cas de revente. L’annonce de la revente a ulcéré en tout cas les détracteurs de l’aéroport, qui militaient depuis le début contre cette privatisation controversée d’un aéroport prometteur.
Nous devons reconnaître que plusieurs responsables politiques ont exprimé leur colère à l’annonce de cette revente prématurée. Guillaume Cros, vice-président d’Europe écologie-Les Verts (EELV) explique que les élus écologistes avaient «toujours défendu la maîtrise publique de cet équipement stratégique majeur». Julien Leonardelli, conseiller régional d’Occitanie et délégué Rassemblement national (RN), a lui aussi exprimé son indignation. Tous les renégats et néo-libéraux de la drauche au pouvoir (en clair la bande de l’ex-socialiste Richard Ferrand ou du traître Edouard Philippe) se sont tus.
En 2018, le rapport de la Cour des comptes sur la vente de l’aéroport de Toulouse avait relevé plusieurs points litigieux. Premièrement, l’acheteur chinois n’avait pas d’expérience de gestion aéroportuaire, ce qui était pourtant exigé et deuxièmement, le groupe chinois n’avait toujours réalisé aucun investissement alors qu’un programme d’investissement de plus de 850 millions d’euros, resté sans suite avait été promis lors de la concession, ce dont s’était vanté à l’époque, la commission des participations et des transferts de l’Etat, contrôlé par Macron.
Le directeur de l’aéroport Mike Poon a estimé le montant des investissements chinois à la fin 2017 à 89,5 millions d’euros seulement. L’ouverture d’une ligne directe Zhenghzou-Toulouse avait aussi été annoncée : on l’attend toujours ! Plus troublant encore, le rapport de la Cour des compte avait révélé des failles dans la procédure d’appel d’offres. Il déplorait le «manque de transparence financière» de Casil Europe, cet acquéreur qui selon elle «soulevait les inquiétudes». Casil Europe était en effet constitué pour moitié d’un fonds d’investissement hongkongais domicilié dans les îles Vierges. Les trois sociétés intermédiaires créées pour le rachat étaient en outre domiciliées aux îles Caïman ou au Luxembourg. Elles avaient été priées par l’Agence des participations de l’Etat (APE), chargée de la vente, de se reloger, pour éviter un «risque réputationnel», à Hong Kong.
Inutile de supposer que des enveloppes conséquentes ont dû circulé sous la table du Ministère de l’Economie de l’époque en pleine préparation d’une future campagne électorale. Rappelons aussi ici que le député Olivier Marleix (LR) a saisi le procureur général de Paris sur les conditions de vente en 2014 du pôle énergétique Alstom à l’Américain General Electric (GE). Il avance l’hypothèse d’un possible « pacte de corruption » au profit du ministre de l’époque, un certain Emmanuel Macron.