Franck BULEUX
À la différence de la plupart des revenus qui, dès le 1er janvier prochain, seront soumis au prélèvement à la source, les revenus de capitaux mobiliers (coupons pour les obligations et dividendes pour les actions), les plus-values de cession de valeurs mobilières, y compris celles liées au « placement préféré des Français », l’assurance vie, ainsi que les revenus de l’actionnariat salarié (gain lié à la levée de stock-option, gain d’acquisition lié à l’attribution d’actions gratuites, etc.) ne seront pas concernés par cette réforme du mode de recouvrement de l’impôt. Ils continueront donc à être imposés dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui.
Or, depuis le début de l’année, la plupart de ces revenus, à l’exception de ceux provenant d’un support d’épargne à fiscalité privilégiée (il en reste peu : le Livret A ou le livret bleu, le livret de développement durable et de solidarité -LDDS, le livret d’épargne populaire-LEP et le livret jeune pour les 12-25 ans : seuls supports ne supportant ni prélèvements fiscaux, ni prélèvements sociaux), relèvent désormais du régime du prélèvement forfaitaire unique (PFU), dit « Flat Tax ». Ces gains sont taxés au taux forfaitaire de 30 %, représentant respectivement 12,8 % de prélèvements fiscaux et 17,2 % de prélèvements sociaux (contre 15,5 % pour les revenus de 2017, soit une augmentation de 1,7 point comme pour la quasi-totalité des revenus, notamment les pensions de retraite à partir d’un certain seuil). On a vu les difficultés récentes du président Emmanuel Macron sur ce sujet… Il est toujours difficile de se mettre à dos la population la moins abstentionniste et la plus légitimiste de France que constituent les retraités, au demeurant, compte-tenu de l’évolution de l’espérance de vie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et de celle de la courbe démographique, de plus en plus nombreux.
Cette généralisation du prélèvement unique (30 %) pose deux problèmes aux épargnants, qui ne sont pas tous imposés ; rappelons, en effet, que 55 % de la population n’est pas redevable de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP).
Le premier revers de la médaille ? Étant placés en dehors du champ d’application du prélèvement à la source, ces revenus ne profiteront pas de « l’année blanche », y compris si le contribuable renonce au bénéfice du prélèvement forfaitaire unique. Ils resteront donc bel et bien imposés en 2019. Il y aura donc bel et bien imposition des revenus de capitaux perçus en 2018.
Le second revers est moins connu car encore insuffisamment perçu par les personnes concernées, qui je le rappelle, sont loin d’être des nantis et des privilégiés fiscaux. Le prélèvement forfaitaire unique (PFU) ou Flat Tax n’est pas, en effet, obligatoire. Il n’est pas d’ordre public d’être soumis à la Flat Tax. Le contribuable peut ainsi opter pour l’application du barème de l’impôt sur le revenu, comme auparavant. Dans ce cas, le montant des revenus financiers s’ajoutent à ses autres revenus : salaires, traitements, honoraires, pensions de retraite… Rappelons que les taux d’imposition des revenus sont les suivants, en fonction des montants déclarés : 14, 30, 41 et 45 %.
Ainsi, les contribuables non imposables (la majorité des résidents sur le territoire national) ont tout intérêt à opter pour l’application du barème fiscal progressif puisqu’ils ne sont alors soumis qu’aux prélèvements sociaux (17,2%). Attention, le choix pour le barème de l’impôt sur le revenu, qui se fait au moment de la déclaration d’impôt, c’est-à-dire au printemps 2019, s’applique sur l’ensemble des revenus du capital (intérêts, dividendes, coupons, plus-values, retraits -rachats- sur les contrats d’assurance-vie). Il faut retenir que l’on ne peut pas choisir le prélèvement fiscal unique (ou Flat Tax) pour certains revenus et le barème progressif de l’impôt sur le revenu pour d’autres. Le système perdrait son critère d’unicité. L’option fiscale est maintenue mais n’est plus « à la carte » en fonction de la nature du revenu, mais globale.
Ainsi, le prélèvement forfaitaire unique de 30 % s’applique sur les dividendes et les plus-values mobilières sans aucun abattement. Mais si le contribuable opte pour le barème de l’impôt sur le revenu, alors il peut bénéficier d’abattements sur le montant à déclarer à l’impôt sur le revenu : abattement de 40 % sur le montant des dividendes déclarés, abattement sur les plus-values mobilières, uniquement pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018 et conserver pendant plus de 2 ans (+ 50 %) et plus de 8 ans (+ 65 %).
Vous l’avez compris, épargnants ! Le prélèvement forfaitaire unique va permettre à Bercy de recueillir plus rapidement et plus facilement les impôts sur les capitaux.
Le problème est que, pour conserver l’imposition en fonction du barème progressif de l’impôt, le contribuable va devoir effectuer une déclaration formelle auprès des services fiscaux. En effet, le prélèvement forfaitaire unique est un régime appliqué, et donc imposé, par défaut, c’est-à-dire notamment lorsqu’aucun choix n’a été réalisé, ce qui sera probablement un cas fréquent, notamment parmi les contribuables les moins aisés et les moins avertis ou les moins conseillés, qui sont, le plus souvent, les mêmes.
En effet, si l’on excepte les contribuables suivis par des conseillers financiers de manière régulière (ce qui devrait être toujours le cas, selon les obligations en matière de devoir de conseil et d’obligation d’information), beaucoup d’autres passeront à côté de cette option.
Ainsi, de nombreux contribuables non soumis à l’impôt sur le revenu seront soumis, de fait, à la Flat Tax, pour ne pas avoir opté pour l’option fiscale qui leur aurait été la plus favorable.
Beaucoup de Français contribuables mais non assujettis à l’impôt sur le revenu, paieront donc une fiscalité de 12,8 % sur les intérêts de leurs placements, aussi modestes soient-ils, alors qu’en intégrant ces sommes dans leurs revenus, ils n’auraient pas été recevables d’une quelconque taxation.
Les Gilets jaunes auraient pu, aussi, dans leur programme alternatif, rejeter cette taxe unique qui, en voulant se faire passer pour une taxe pour tous (slogan à la mode), n’est qu’une régression fiscale.
On attend donc du gouvernement mais aussi des banquiers la mise en place, d’ici peu, d’une campagne d’information sur l’option fiscale pour les épargnants les plus modestes.
